L’actuel musée installé dans l’ancien couvent des Augustins, dont une partie des bâtiments est inscrite au titre des Monuments historiques depuis 1977, se présente comme un édifice digne d’attention, tant par la haute façade côté Nohain, que par la curieuse maison qu’il forme côté ville. Face à la prison, d’une parfaite unité architecturale – l’un des édifices les plus intéressants de la ville avec l’ancienne gendarmerie –, le musée de la Loire fait office, par ses dehors, de petit musée de l’architecture classique. Le bâtiment, dans son ensemble, témoigne de la pratique systématique du remploi dans la construction ancienne.
La distribution extérieure, c’est-à-dire la disposition des corps de bâtiments, est complexe. Elle résulte de nombreux remaniements dus à des affectations successives dont Nicolas Brocq a dressé l’inventaire et expliqué le détail en s’appuyant sur des documents inédits dans une étude publiée en 2007 dans les Cahiers des amis du musée.
Les Augustins arrivent à Cosne en 1616 et s’installent dans des bâtiments déjà existants mais plusieurs fois modifiés par la suite au milieu du 17e siècle, puis, après plusieurs crues dévastatrices du Nohain, entre 1644 et 1708 notamment ; ils quittent les lieux en 1790. Les bâtiments nationalisés sont vendus en 1800 à un particulier avant de revenir à la Ville deux ans plus tard. L’ancien logis du prieur abrite successivement une école de filles, le presbytère Saint-Jacques puis le collège. Quant au corps de bâtiment de la rue Alphonse Baudin, il est constitué de la réunion d’une maison particulière et du corps de garde, affecté entre 1789 et 1866 à la garde nationale, comme en témoigne l’inscription retrouvée pendant les travaux du musée.
Les façades témoignent de l’histoire de ces bâtiments depuis le 16e siècle jusqu’à leur affectation comme musée. Côté Nohain, l’élancement de la façade, constituée de deux corps de bâtiments, correspond à une construction du 17e siècle. Pourtant, si ce n’est une étroite et longue fenêtre, toutes les baies, fort disparates, attestent un complet remaniement : la fenêtre supérieure de droite à meneau (neuf), comme la petite baie murée de gauche, à côté de la porte piétonne, sont constituées de chambranles du 16e siècle. L’oculus ovale à deux fasces (bandeau) est un jour du 18e siècle.
Le renfoncement situé entre l’ancien logis du prieur et l’ancien corps de garde, sur la rue Alphonse Baudin, est celui qui arbore les plus beaux éléments sculptés. Deux pilastres doriques cannelés surmontés d’une architrave à trois fasces, le premier élément de l’entablement encadraient auparavant une arcade en plein-cintre, une porte vraisemblablement, dont on peut encore voir le couronnement du piédroit (support de l’arc) et la naissance de l’arc. (ci-dessous) Au-dessus, le linteau de la porte orné de glyphes (canaux parallèles) a été emprunté à une cheminée de la seconde moitié du 18e siècle. Au premier étage de la même façade, le linteau délardé pour former deux arcs en accolade semble peu ancien, un élément néo-médiéval du 20e siècle, surmontant une fenêtre dont le meneau a été restitué. La grande fenêtre du premier étage sur la façade en retour est encadrée de cariatides engainées à pattes de lionne : leur buste drapé repose sur une gaine, un tronc de pyramide inversé, ornée de feuilles d’acanthe. (ci-dessous) Leurs têtes enturbannées portent le linteau tressé de feuilles de laurier, timbré d’une fleuret surmonté d’une corniche. Les proportions de cette baie, large et à meneau, permettent de la dater du 16e siècle, tandis que son décor correspond à une mode dont le sculpteur Hugues Sambin, de Dijon, se fait l’écho en 1572, avec la publication de son Œuvre de la diversité des termes, celle des supports anthropomorphes, encore fort utilisés au début du XVIIe siècle.
La façade de la rue Alphonse Baudin se présente comme celle d’une maison, originellement deux, que la transformation en musée en 1988 a contribué à unifier. Les portes, fenêtres et lucarnes ont toutes été établies au 19e siècle, mais en 1988, la porte cochère du corps de garde, encadrée par un pilastre dorique ancien et un neuf, a été restituée pour servir de vitrine au musée. On peut observer dans la maçonnerie de pierre de taille, au-dessus de la fenêtre de l’accueil et de la porte, la présence de chambranles du 16e siècle. Les linteaux à soffite surélevé avec cavets d’adoucissement, supportés par des jambes non moins curieuses – le couronnement de l’un est le profil d’une corniche –, semblent être deux linteaux retaillés à angle droit dans la partie gauche pour accueillir la fenêtre. Malgré ces innombrables remplois et détournements, l’architrave et la frise bombée qui couronnent le rez-de-chaussée ainsi que l’entablement du premier étage, supporté à son extrémité gauche par un chapiteau ionique fort abimé, contribuent à donner une certaine unité à cette élévation : encore une fois, il s’agit pourtant d’un remploi dont témoignent les nombreux décrochements entre les pierres.
La distribution intérieure ne présente pas d’intérêt particulier hormis la présence d’un escalier en vis fort ancien mais très restauré et celle d’un escalier rampe-sur-rampe vraisemblablement construit pour la commodité de l’école de filles établie en 1809. La cheminée monumentale, classée au titre des Objets d’art mobiliers en 1957, est en revanche un morceau d’exception : les deux jambages entièrement sculptés supportent une imposante hotte. (ci-dessous) Les supports sont constitués de trois portions de gaine superposées et d’un pseudo-chapiteau sur lequel vient s’appuyer un corbeau à volutes décoré d’une délicate feuille d’acanthe. Ils portent un premier entablement dont la frise, encadrée par des frises d’oves, est ornée de deux rinceaux fleuris : d’étranges oiseaux à serres d’aigle, symbole de résurrection, picorent le cœur des fleurs les plus matures au centre. (ci-dessous) Quatre petits pilastres d’ordre composite délimitent des compartiments et supportent le second entablement plus modeste. Épis de maïs, palmettes et enroulements de feuilles d’acanthe couvrent la frise. La virtuosité du sculpteur s’exprime avec plus de brio encore dans la taille des cuirs, découpes et enroulements évoquant le travail du cuir, qui encadrent le cartouche central cerclé d’une couronne de laurier. (ci-dessous) Les deux cornes et les deux chutes de fruits évoquent l’abondance des biens nourriciers. Raisins, pommes, grenades, nèfles, pommes de pins, courges et autres fruits resplendissaient autrefois des couleurs qui donnaient vie à cette œuvre sculptée polychrome de la première moitié du 17e siècle.
Retrouvez toute l’histoire de l’ancien Couvent des Augustins dans :
Le Cahier des Amis du musée n°17 : Nicolas Brocq, Le couvent des Augustins, histoire mouvementée d’un couvent devenu musée, Amis du Musée, Cosne-Cours-sur-Loire, 2007, 42 p., 12€
Le Catalogue : Collectif, Les coulisses d’un musée, histoire et vie des collections, Musée de la Loire de Cosne-Cours-sur-Loire, 2013, 128 p., 15€
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